Étienne Coubard 💬

Étienne Coubard

En procès :

Ă€ Paris (75) – le 11/09/2019

TĂ©moignage :

Alors, nous, citoyens et citoyennes, face à tous les recours légaux possibles que nous avons utilisé et que nous continuons d’utiliser. Face aux choix qui ont été fait et ceux qui restent à faire pour empêcher ça. Face au manque de courage politique de prendre des décisions urgentes, d’arrêter le mensonge politique et d’enfin s’attaquer aux causes pour empêcher ces destructions. Face à ce qui est évitable, nous franchissons les lois pour lancer l’alerte, nous entrons en résistance pour celles et ceux qui n’y sont pas encore car il n’est plus l’heure d’attendre, mais d’exiger !

ll n’est plus temps pour les 99 % d’attendre, mais d’exiger !

Je m’appelle Etienne, j’ai 25 ans et depuis 5 mois j’attends le 11 septembre 2019. Le jour oĂą je serai jugĂ© devant la 16ème chambre du Tribunal de Paris pour avoir dĂ©crochĂ© un portrait officiel du prĂ©sident de la RĂ©publique. 

Pourquoi ? Pour dĂ©noncer l’inaction et les mensonges politiques du gouvernement sur l’urgence climatique dans le cadre de la campagne #DĂ©crochonsMacron avec ANV-COP21
Mais ce geste est plus complexe. Non, je ne me suis pas rĂ©veillĂ© en me disant que j’allais dĂ©crocher un portrait Ă  8,70€. Ni mĂŞme en pensant que, 6 mois plus tard, je serai jugĂ© dans la mĂŞme chambre que celle qui traite les affaires terroristes. 
Ce geste est la suite d’une histoire que je veux vous expliquer. Mon histoire, proche de celle de milliers de Français et de Françaises aujourd’hui. 

Je vais commencer par un souvenir. 
Enfant, j’écrivais beaucoup, j’écrivais sur mon quotidien, celui des autres, ce qui m’entourait. A 10 ans, je me rappelle avoir commencé une nouvelle qui abordait la façon dont les miracles de la technologie allaient balayer les émissions de gaz à effet de serre présentes dans l’atmosphère pour nous permettre d’éviter ce que j’avais cru comprendre comme un désastre menaçant l’espèce humaine et celles qui nous entourent. Une réalité à laquelle beaucoup tournait le dos.
Aujourd’hui je sais que c’est un mensonge d’enfant. Aucune technologie ne nous sauvera. 
Une autre nouvelle, plus tard, sur comment les divisions sociales entre les ĂŞtres humains pourraient se rĂ©soudre par la prise de conscience de nos dirigeants qui d’eux mĂŞmes impulseraient un autre modèle de sociĂ©tĂ©. J’étais encore loin du compte. Mais j’étais jeune et conscient que quelque chose ne collait pas dans la manière dont nous vivions. 

Au fur et à mesure des années, j’ai continué à écrire, à changer mes points de vues, à en renforcer d’autres.
5 ans plus tard, je participais Ă  ma première manifestation, en ayant lĂ©gèrement perdu le regard critique que j’avais l’impression d’avoir eu plus jeune. Je n’avais pas dĂ©veloppĂ© de conscience politique, mais je voyais dans la centième rĂ©forme d’un gouvernement qui suivait sa trajectoire sans regarder les dĂ©gâts qu’il allait laisser derrière, l’injustice d’une mesure arbitraire. Il semblerait que j’étais bercĂ© d’illusion et naĂŻf. Il semblerait que j’étais restĂ© dans mon monde d’enfant, celui oĂą j’imaginais que l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral primait sur le reste. 

C’est Ă©videmment le gouvernement qui l’avait emportĂ© après des semaines de grèves et la mobilisation de centaines de milliers de citoyens et de citoyennes. Après tous ces efforts et l’espoir d’une amĂ©lioration du quotidien de ces personnes, nos dĂ©cideurs ont dĂ©cidĂ© d’accĂ©lĂ©rer encore leur prĂ©caritĂ©. 
En continuant de suivre les nouvelles, les mĂŞmes mots n’ont cessĂ© de pleuvoir et ils pleuvent encore : « croissance », « PIB », « pouvoir d’achat », « compĂ©titivitĂ© », « emploi »,… Tous ces mots que l’on nous vend comme nĂ©cessaire Ă  l’équilibre de notre système alors qu’ils sont Ă  l’origine de son instabilitĂ©. Tous ces mots pour lĂ©gitimer des chimères. Ces mots qui cachent le manque de courage politique Ă  mettre en prioritĂ© l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral. Ces mots qui camouflent l’incapacitĂ© Ă  prendre Ă  bras le corps les problĂ©matiques auxquelles les citoyens et citoyennes font face tous les jours. 

Plus je me documentais, plus j’étudiais, plus je voyais les affichages en papier glacé qui arpentent nos rues, plus je m’endormais, me résignais et avalais ces mensonges : « la croissance est au service de l’intérêt général » alors pourquoi autour de moi, en son nom, je la vois bafouer les droits humains, détruire la biodiversité et pousser de plus en plus de personnes vers la précarité ?
Pendant quelques annĂ©es, je me suis endormi comme beaucoup de personnes qui se rendent compte que notre système foire, mais pensent qu’elles sont petites et faibles face Ă  un adversaire trop fort. Comme celles-ci, j’ai Ă©tĂ© parfois combatif, parfois passif et rĂ©signĂ©, sans vĂ©ritable espoir de voir le quotidien des personnes m’entourant arrĂŞter d’empirer. 

Comme beaucoup, j’ai voté, j’ai manifesté, ça n’a pas fonctionné. J’ai étudié, j’ai agis à mon échelle, j’ai été travailleur social, puis conçu et coordonné des projets de solidarité avant de voir que notre travail se résumait à des pansements sur une plaie plus large, sur un problème plus global. Et pire, qu’il n’allait jamais résoudre la précarité que subissait les personnes que l’on accompagnait. Ce système les a choisi et a provoqué leur situation car il est dépendant de la misère pour survivre !

J’ai pourtant continuĂ© dans cette voie en conservant ce goĂ»t amer, cette boule dans la gorge. Je me suis dis qu’il y avait peut ĂŞtre des solutions dans ce que je faisais, qu’il fallait peut ĂŞtre faire avec mais diffĂ©remment. Et je continuais de regarder mon entourage, de voir mon neveu naĂ®tre en Ă©tant conscient de ce qu’il se passait. Quel avenir a t-il alors que je suis mĂŞme pas sĂ»r qu’il atteigne l’âge que j’ai aujourd’hui ? Et s’il survivait, qu’elle serait sa vie ? Qu’elle serait celle des personnes que je vois tous les jours, qui traversent ma route quand je marche pour aller travailler ? 

Alors, j’en ai eu marre de voir ce que je voyais. Pour toutes ces personnes, je me suis réveillé et j’ai continué à me battre, non plus à mon échelle, plus à celles des conséquences, mais à cibler les causes. J’ai donc décidé qu’aucun groupe de personne n’était assez fort pour empêcher aux citoyens et aux citoyennes de vivre. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à entrer en désobéissance civile. A ce moment que je suis entré en résistance.

L’enfant de 10 ans que j’étais a pu voir les problĂ©matiques que des dirigeants n’ont cessĂ© d’ignorer. Depuis des dizaines d’annĂ©es nous savons que certaines propositions Ă©mises par les luttes sociales et les luttes climatiques sont celles qui empĂŞcherons la destruction d’une majoritĂ© d’espèce et sauverons des centaines de millions de personnes. Mais, nos dirigeants ont Ă©tĂ© incapables d’en prendre la mesure et d’agir. Ils ont prĂ©fĂ©rĂ© dĂ©truire les mouvements sociaux les uns après les autres, adopter des accords leur garantissant de continuer Ă  dĂ©truire le vivant. Pire que d’ignorer l’avenir, ils ont prĂ©fĂ©rĂ©s mentir au monde entier en dĂ©clarant que le dĂ©règlement climatique nĂ©cessiterait seulement des changements techniques, que notre modèle basĂ© sur la croissance et la consommation pourrait perdurer. Le seul exemple de la production d’objet du quotidien est responsable d’un quart de nos Ă©missions, responsable d’un quart de notre destruction. 

Aujourd’hui, nous savons que nous n’avons qu’une fenêtre proche de la fermeture pour éviter le pire, que nous avons suffisamment émis de gaz à effet de serre pour être à 1,4°C d’augmentation de température même si on arrêtait tout. A quelques années du dixième de degré supplémentaire qui nous fera basculer. Nous voyons déjà des catastrophes arriver, des morts et des déplacements de populations et pourtant ils continuent d’ignorer les solutions existantes et prévoient une stratégie à +3°C. Nos parlementaires continuent de ratifier des accords de libre échange en sachant qu’ils sont meurtriers, que dans cette trajectoire le monde sera invivable dans les prochaines décennies ! Une stratégie qui par son insuffisance, tuera plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde. Une stratégie qui pourrait coûter la vie aux personnes que je vois tous les jours, qui pourrait empêcher mon neveu de 2 ans de dépasser mon propre âge. Ils le savent et ils mentent, mentent sur ce qui doit être fait, mentent pour camoufler leur inaction et garantir l’endormissement citoyen. Pourquoi ? Pour conserver leur position, leurs avantages, leur influence, leur argent face à nous, les 99 % !

Nous savons que plus nous attendons, pire seront les mesures Ă  prendre, qu’elles ne seront pas simples, mais qu’elles sont encore possibles. Nous savons qu’elles mĂ©tamorphoseront notre système de production, de consommation, de transport, d’énergie, de finances, nos habitats et nos emplois et pourront les rendre plus juste, plus sobre, mais Ă  la portĂ©e de tout le monde. Nous savons qu’elles devront ĂŞtre appliquĂ©es par tous et toutes, qu’elles devront ĂŞtres sociales avant d’être Ă©cologiques, et quelles permettrons aux citoyens et citoyennes de vivre et non seulement de survivre ! 

Dans ces conditions, quel est le pouvoir d’agir citoyen ? Quel est mon pouvoir d’agir, quand nous savons et qu’on nous ment, quand nous sommes de plus en plus en nombreux et nombreuses à regarder la réalité en face, quand nous constituons un mouvement, quand nous dialoguons et proposons des mesures aux élus locaux, aux multinationales, aux députés, aux cabinets ministériels et quand nous rassemblons des centaines de milliers de personnes pour les exiger ? Et que nous obtenons encore plus de mensonges et d’irréalismes de leur part ?

Alors, nous, citoyens et citoyennes, face à tous les recours légaux possibles que nous avons utilisé et que nous continuons d’utiliser. Face à ces recours balayés. Face aux cadres légaux qui permettent de détruire la biodiversité et l’humanité. Face aux jeunes qui se mobilisent. Face aux parents, aux enfants, à mon neveu de 2 ans et à ceux qui naissent aujourd’hui et mourront prématurément, connaîtront un monde invivable, suffoqueront ou seront déplacés. Face aux choix qui ont été fait et ceux qui restent à faire pour empêcher ça. Face au manque de courage politique de prendre des décisions urgentes, d’arrêter le mensonge politique et d’enfin s’attaquer aux causes pour empêcher ces destructions. Face à ce qui est évitable, nous franchissons les lois pour lancer l’alerte, nous entrons en résistance pour celles et ceux qui n’y sont pas encore car il n’est plus l’heure d’attendre, mais d’exiger !

C’est pour ces raisons que  FĂ©lix, EmmaMarionCĂ©cilePaulineThomasAlma, Vincent et moi avons dĂ©cidĂ© de lancer l’alerte Ă  Paris Ă  la fin du mois de fĂ©vrier dernier en dĂ©crochant ces portraits officiels. Un geste aujourd’hui accompli par plus de 1 000 autres citoyen·ne·s dans toute la France. Un geste qui nous fait peser Ă  tous et toutes le risque de 5 ans de prison et 75 000€ d’amende. Un geste dont les consĂ©quences me font Ă©videmment peurs mais n’ont aucune commune mesure face Ă  la peur que l’inaction prĂ©figure. C’est pourquoi ce procès n’est pas le nĂ´tre. C’est celui de nos dirigeants. C’est celui de l’inaction climatique. Et croyez-nous, c’est le procès que nous attendons depuis ces 5 derniers mois et c’est ce que nous en ferons !

Et au final, le portrait et la personne qui y est reprĂ©sentĂ©e n’ont aucune vĂ©ritable importance en dehors de la valeur qu’ils incarnent et le symbole qu’on leur trouve. Ils incarnent l’image d’un système que l’on doit combattre et appellent la suite d’une rĂ©sistance qui ne fait que commencer… !

Rendez-vous le 11/09/2019 : https://www.facebook.com/events/878973822436322/ et partage ce tĂ©moignage !
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