Michel Piquand đź’¬

Michel Piquand

En procès :

Ă€ Bonneville (74) – le 27/06/2019

TĂ©moignage :

Quand en octobre dernier, le rapport du GIEC est publiĂ©, c’est une sensation d’horreur, de panique et de colère qui se mĂ©langent en moi ! Comment, en lisant ne serait ce qu’un rĂ©sumĂ© de ce rapport, pouvons nous vivre comme avant, faire comme si de rien n’Ă©tait ?

Je m’appelle Michel, j’ai 28 ans je viens de la VallĂ©e de l’Arve, Pays du Mont-Blanc, symbolique par ses sommets enneigĂ©s toute l’annĂ©e dont le toit de l’Europe.

Je suis nĂ© et j’ai grandi dans une petite vallĂ©e reculĂ©e, depuis toujours je suis sensibilisĂ© Ă  l’Ă©coute des montagnes, Ă  la faune, la flore, Ă  la nature et au respect que l’on lui doit. C’est donc normal pour moi d’ĂŞtre soucieux de l’environnement et d’en prendre soin.

Charpentier de formation chez les Compagnons et alpiniste averti, au fil des annĂ©es, c’est naturellement que le mĂ©tier de guide de haute montagne m’a appelĂ© ! Un long parcours d’apprentissage dĂ©bute alors…

Mais, petit Ă  petit, je me suis aperçu que les choses n’Ă©taient pas si belles que ce que l’on croit.

C’est en montant sur les sommets, en regardant au loin, que je me suis rendu compte que le monde devenait de moins en moins vivable : la planète Ă©touffe, la vie s’appauvrie, les insectes meurent, l’humain coupe des arbres, tue ses congĂ©nères dans des guerres, s’offre des maisons et voitures de luxe en passant devant des sans abris mourants de faim, pollue ce qui l’abreuve, le nourri et mĂŞme ce qu’il respire ! Non, nous ne tournons pas un film de science-fiction, c’est bel est bien la rĂ©alitĂ©… Triste rĂ©alitĂ©…

À ce moment de ma vie où ma prise de conscience fut inévitable, je ne pouvais plus continuer à faire comme avant, comme si je ne savais pas, a rester passif. Et dans la vie il faut faire des choix, des choix « forcés ».

J’ai donc dĂ©cidĂ© de ne pas continuer cette formation, je ne ferais pas ce mĂ©tier, qui est un rĂŞve. Et oui que ferai un guide devant un Ă©boulement causĂ© par la fonte du permafrost ? Devant un glacier impraticable de part la fonte ? Le danger est dĂ©jĂ  prĂ©sent mais ne cesse d’accroĂ®tre.

Il y a urgence ! Urgence sociale ! Urgence climatique ! Et c’est comme cela que j’ai commencĂ© Ă  militer dans la VallĂ©e de l’Arve, meurtrie par la pollution de l’air. En effet, 3 facteurs aggravants les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre : le trafic autoroutier,  le chauffage au bois et l’industrie. En effet, la Silicone Valley d’Europe, haut lieu du dĂ©colletage, (usinage de prĂ©cision), le traffic de l’Europe de l’Est passe en grande partie par le tunnel du Mont-Blanc et le chauffage au bois alimentent ce problème de pollution. Le Mont-Blanc, quant Ă  lui, se noircit au fil des annĂ©es, les glaces se retirent, le permafrost fond et laisse entendre depuis le fond de la vallĂ©e des Ă©boulements de plus en plus prĂ©coces dans l’annĂ©e. Ces bruits apocalyptiques, me font peur. L’avenir des montagnes, de la nature me fait peur… quant au mien, je ne sais quoi en penser.

Enfin, je me suis rapprochĂ© et suis vite devenu membre du mouvement Alternatiba et ANV-COP21… Ă  m’investir beaucoup dans l’Ă©quipe, et Ă  en laisser de cĂ´tĂ© ma passion, mon rĂŞve…

Je ne dis pas « adieu » à la montagne, mais tant que celle-ci continue de fondre et de nous surprendre aux vu des multiples risques, à quoi bon risquer sa vie sur ces pics ?

Et des fois je me dis que vu la tournure que cela prend, je perd espoir et me dis que finalement autant mourir en montagne que d’ĂŞtre asphyxiĂ© dans une vallĂ©e polluĂ©e..

Maintenant ce sont les gazs lacrymo des CRS qui se sont rajoutĂ©s … Car oui, les manifestations deviennent  musclĂ©s, le dispositif inappropriĂ© face Ă  nous activistes qui se prĂ´nent sans aucune violence. Nous voulons juste exprimer notre mĂ©contentement sur la politique inerte en vue de ce chaos. Nous voulons nous faire entendre, nous avons essayĂ© par des marches pour le climat, des pĂ©titions, proposer des alternatives locales dans des villages Ă©phĂ©mères, personne capable de prendre des dĂ©cisions ne nous Ă©coute.

C’est alors par « obligation » que la dĂ©sobĂ©issance civile reste notre dernier moyen d’action pacifiste. Et si ces actes sont civiques comme je viens de l’Ă©crire, c’est que nous avons tout essayĂ© mais que rien ne ce passe.

Si nous avions 150 ans pour changer les choses, alors je suis persuadĂ© que par sensibilisation et en changeant les mentalitĂ©s et habitudes de tous nous arriverions Ă  relever le dĂ©fi. Mais c’est 15 ans que nous avons lĂ  et encore, en Ă©tant optimiste. Après quoi nous aurons atteint le point de non retour qui nous conduira Ă  notre propre extinction.

Quand en octobre 2018, le rapport du GIEC est publiĂ©, c’est une sensation d’horreur, de panique et de colère qui se mĂ©langent en moi ! Comment, en lisant ne serait ce qu’un rĂ©sumĂ© de ce rapport, pouvons nous vivre comme avant, faire comme si de rien n’Ă©tait?

Personnellement j’aimerais avoir des enfants, leur apprendre la juste valeur des choses, de la nature et du monde. Mais depuis ce moment lĂ , je me pose rĂ©ellement des questions par rapport Ă  cette dĂ©cision ! Ma compagne, qui sera a mes cĂ´tĂ©s le 27 juin au tribunal de Bonneville, car elle aussi a participĂ© Ă  l’action que je vais raconter.., est aussi dubitative que moi. Tous les deux savons que c’est impossible de leur assurer un bel avenir et sain, si nous ne faisons rien. C’est alors, un combat que nous dĂ©cidons de mener, pour notre survie mais aussi pour celle de nos gĂ©nĂ©rations futures, s’il y a.

Et c’est tout naturellement que le 8 mars 2019, je suis entrĂ© avec mes camarades d’ANV-COP21 Vallee de l’Arve, dans 4 mairies de la vallĂ©e (Sallanches, St Gervais, Passy et Domancy), pour dĂ©crocher symboliquement le portrait officiel du prĂ©sident de la RĂ©publique. Le vide laissĂ© est bien Ă©gal Ă  la politique de ce dernier, qui se fait passer pour un champion du climat Ă  travers le monde entier.

Suite Ă  la pĂ©tition « l’affaire du siècle » signĂ©e par 2 millions de personnes, (du jamais vu) il Ă©tait prĂ©venu que quelque chose n’allait plus. Il devait changer; son gouvernement et lui mĂŞme en ont dĂ©cidĂ©s autrement! « Nous ne changerons pas de cap! »

C’est alors en toute lĂ©gitimitĂ© que j’ai fais cette action qui pour moi est notre dernier recours!

En effet, il faut se faire entendre et par la voie lĂ©gale, rien ne se passe. C’est alors maintenant qu’il faut changer de plan et monter en radicalitĂ© sans quoi, c’est l’espèce humaine qui va disparaĂ®tre et ce, beaucoup plus tĂ´t que l’on peut l’imaginer! Attention, radicalitĂ© ne veut pas dire violence! ĂŠtre radical c’est prendre les choses par la racine.

ĂŠtre poursuivi comme un terroriste (saisi par la B.L.A.T sur notre affaire), alors que je ne suis qu’un lanceur d’alerte non-violent, est dingue, surrĂ©aliste. J’assume les faits qui me sont reprochĂ©s, mĂŞme si je risque tout de mĂŞme 5 ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende ! Cette rĂ©pression juridique est dĂ©mesurĂ©e en comparaison Ă  notre action symbolique. J’espère que cela amènera Ă  une prise de conscience et un soutien massif !

Alors, j’ai besoin de vous. Montrez que nous sommes nombreux Ă  avoir dĂ©jĂ  conscience de cette urgence. Pour refuser d’abdiquer Ă  l’inaction face aux urgences climatique et sociale. Pour dire qu’il est encore temps !

Partagez ce témoignage avec vos amis, venez le 27 juin, soutenez mes 6 autres copains qui seront jugés avec moi.