Patrick Franck 💬

Patrick Franck

EN procĂšs :

À Mulhouse – le 09 octobre 2019

TĂ©moignage :

A peine retraitĂ©, j’ai dĂ©crochĂ© le portrait du prĂ©sident. Je risquais 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. Pourquoi j’ai fait ça ?

Je m’appelle Patrick FRANK. MariĂ©, 1 enfant.

J’ai 60 ans cette annĂ©e, j’ai la chance de dĂ©jĂ  pouvoir prendre ma retraite, et me voilĂ  convoquĂ© au Tribunal de Grande Instance Ă  Mulhouse le 9 octobre pour avoir dĂ©crochĂ© le portrait du PrĂ©sident de la RĂ©publique dans la mairie de Wittelsheim (68). J’aurais pu me dire : “voilĂ , j’ai bossĂ© 42 ans, je vais me reposer, profiter d’une retraite bien mĂ©ritĂ©e aprĂšs une dizaine d’annĂ©es dans une banque puis 30 auprĂšs de personnes adultes polyhandicapĂ©es”

    Mais comment pourrais-je seulement penser Ă  cela ? Il y a une quinzaine d’annĂ©es que progressivement j’ai commencĂ© Ă  prendre conscience de la gravitĂ© de la situation climatique et environnementale mondiale.

   C’est cela qui m’a dĂ©cidĂ©, il y a 2 ans, tout d’abord Ă  adhĂ©rer au collectif Alternatiba pour sensibiliser aux alternatives, puis aux actions non-violentes d’ANV-COP21 : une profonde inquiĂ©tude quant Ă  l’avenir des gĂ©nĂ©rations Ă  venir, de mon fils, des enfants et petits enfants de mon entourage et de mes amis…

    C’est une rĂ©elle inquiĂ©tude face Ă  l’urgence climatique dramatique, face Ă  une prise de conscience trop lente, trop timide de cette urgence. Notre sociĂ©tĂ© de consommation et son fonctionnement sont fondamentalement Ă  remettre en question. Quid des 350 000 personnes qui ont marchĂ© pour le Climat ? Des 2 millions de signatures Ă  la pĂ©tition “l’affaire du siĂšcle !” ? Notre gouvernement ne prend pas la mesure du problĂšme et nous oblige, nous, citoyens et citoyennes de toutes conditions et de tous Ăąges Ă  mettre en place et Ă  participer Ă  des actions non violentes et de dĂ©sobĂ©issance civile. J’en suis lĂ  aujourd’hui, Ă  m’engager dans des actions Ă  la symbolique forte pour faire bouger les choses, pour attirer l’attention sur la lente et irrĂ©mĂ©diable destruction de la vie sur Terre ! Il y a des dizaines d’annĂ©es que des lanceurs d’alerte prĂ©disaient ce qui est une Ă©vidence aujourd’hui pour le monde entier : un lien direct entre les activitĂ©s humaines et le rĂ©chauffement climatique, avec la perte de la biodiversitĂ©, la pollution de l’eau, de l’air, de la terre. A l’Ă©poque, quand j’Ă©tais encore un jeune homme, je les considĂ©rais comme des excentriques, des originaux… comme je me trompais, c’Ă©tait des visionnaires, des Ă©rudits, trop en avance sur leur temps.

    Alors, que penser de ces actions non violentes auxquelles je prends part ? Elles prĂ©sentent un risque pĂ©nal certain, mais qu’est ce que ce risque face Ă  ce qui attend l’humanitĂ©, ce qui attend mon fils, les gĂ©nĂ©rations Ă  venir ? Je suis prĂȘt Ă  recommencer bien sĂ»r. Nous n’avons plus le temps de palabrer, il faut convaincre les gens autour de nous, qu’ils soient simples citoyen.ne.s, Ă©lu.e.s, dirigeant.e.s. Tous nous pouvons agir en rĂ©duisant notre consommation, notre empreinte carbone, en arrĂȘtant l’utilisation des pesticides, en rĂ©duisant fortement nos dĂ©placements en avion et en vĂ©hicule Ă  moteur quand ils ne sont pas vitaux, en achetant local et en Ă©vitant ainsi des transports maritimes climaticides, etc. Toutes et tous, Ă  notre niveau nous pouvons changer notre façon de faire et de consommer, mais l’Etat a un rĂŽle central pour conseiller, dĂ©finir les choix qui vont dans le bon sens. Tout cela va bien sĂ»r modifier nos modes de vie, nos habitudes, mais avons-nous le choix ? Il nous faut rĂ©apprendre d’urgence le bonheur simple d’une vie en phase avec la nature, une nature que nous saccageons depuis trop longtemps, d’une vie Ă  « Être » et non plus Ă  avoir, Ă  vivre plus simplement le moment prĂ©sent et pas en suivant les modĂšles que nous imposent les publicitĂ©s, (des modĂšles qui ne sont lĂ  que pour nous faire consommer, encore et toujours, pour les profits des 1% les plus riches, en nous faisant croire que c’est lĂ  le bonheur… Pauvre de nous, dire que j’y ai participĂ© pendant des annĂ©es !)

RĂ©apprendre Ă  vivre pour soi et non plus Ă  singer son voisin, Ă  ĂȘtre en phase avec les Autres et non les diriger, voire les exploiter.

  Ce combat, puisqu’il faut appeler les choses par leurs noms, n’est sans doute pas la chose la plus agrĂ©able et facile de ma vie actuelle. Je ne pensais pas, et ma famille non plus, passer une bonne partie de mon temps de retraitĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir, discuter, essayer de convaincre du bien-fondĂ© de mes actes et de la rĂ©alitĂ© de ce qu’il se passe. Je ne regrette pas toute cette Ă©nergie dĂ©pensĂ©e, je sais qu’elle l’est et le sera Ă  bon escient, que cette lutte est lĂ©gitime et utile !

   La lueur d’espoir c’est de voir tant de jeunes se mobiliser, participer aux marches pour le climat, espĂ©rer, se battre pour la Vie, la biodiversitĂ©, la justice. Ces millions de gens signer des pĂ©titions aussi.

    Le 9 octobre, Anne et moi sommes convoquĂ©s au Tribunal de Grande Instance de Mulhouse pour avoir refusĂ© le prĂ©lĂšvement d’empreinte ADN lors de l’enquĂȘte de gendarmerie sur la rĂ©quisition du portrait du PrĂ©sident Ă  la mairie de Wittelsheim.

   J’ai agi dans l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral pour dĂ©fendre notre avenir Ă  tous, cela fait-il de moi un criminel ? Est-il normal qu’une mesure destinĂ©e au dĂ©part Ă  ficher des dĂ©linquants sexuels soit appliquĂ©e Ă  tous ! Est-ce le rĂ©sultat d’une politique plus gĂ©nĂ©rale visant Ă  criminaliser les militants et sympathisants environnementaux au lieu de rĂ©pondre Ă  l’urgence climatique ?

   Je vous invite Ă  venir nous soutenir, Anne et moi, au TGI de Mulhouse, le 9 octobre Ă  8h30, et faire de ce procĂšs le procĂšs du vide de la politique climatique et sociale de l’Etat !

   Je vous remercie chaleureusement tous et toutes, votre soutien justifie pleinement mon engagement. Plus nous serons Ă  nous faire entendre et plus le bruit que nous ferons atteindra les hautes sphĂšres


Pour terminer, je reprendrai un slogan d’Alternatiba qui est d’une furieuse actualitĂ© : “CHANGEONS LE SYSTÈME, PAS LE CLIMAT !”